(dans tout le portfolio, n'hésitez pas à cliquer sur les images pour les agrandir...)
En apprentissage de 2015 à2018 auprès de Julia Kneubühler, de l'atelier Kumhari : de belles personnes et une si fascinante découverte, pour tout d'abord commencer à se relever, et aussi relever le défi d'insérer une pensée design dans un univers et une pratique hors du temps usuel. Apprendre à goûter, savourer, le temps patient, le temps long, de la terre qui boit puis sèche, cuit, bouge, se trempe, subit les hautes chaleurs et la pression de l'émail et du four qui monte et descend doucement en température, qu'il ne faut pas brusquer. Apprendre à sentir à quel moment, sous la pression ferme des doigts, la terre humide accepte enfin de s'étirer, prise dans la danse lente du tour, et l'amener à s'élever, patiemment, elle qui est prête à s'échapper à tout instant à la première insistance...
Au fil des expérimentations, des gammes se créent peu à peu, des familles d'objets, qui jouent avec des branchages, adoptent de petits pieds multiples ; des vases aux proportions inhabituelles, destinés à incliner les fleurs ou limiter leur nombre afin d'initier sans le leur dire leurs futurs propriétaires à l'art délicat de l'ikebana...
Le mème sur internet implique la reproduction, la diffusion presque virale au travers de la mémoire collective. Cette première gamme d'objets joue de façon plus ou moins littérale avec un vocabulaire formel issu de la nature, comme si celle-ci envahissait et colonisait le génotype d'objets pourtant bien artificiels.
Ici la nature se greffe physiquement aux objets, sous la forme de branches de noisetier nues et ondulantes, et c'est au gré de leurs propres aléas formels que les associations d'idées naissent et génèrent de nouveaux objets...
Des objets usuels, arts de la table ou décoratifs, dessinant peu à peu une écriture commune, une signature, et glissant un peu d'esprit du design contemporain dans une pratique faite de lutte avec la matière où l'acceptation du hasard, de la déviation, du détour, la patience et le respect des réactions parfois surprenantes du grès comme de l'émail, sont des vertus incontournables avec lesquelles on ne peut que composer jusqu'à souvent adapter en chemin le dessein initial...
Dans cette famille on croise de drôles de chapeaux destinés à transformer en vases de vieux bocaux voués au rebut, ainsi que, peu à peu, des objets réalisés à partir de restes de pièces tournées et ratées, sauvées in-extremis de la destruction par leurs auteurs, déçus par quelque geste maladroit... Une seconde chance et un jeu de libre inspiration en réaction directe aux éléments parfois déconcertants ainsi récupérés.
“J’ai observé longuement une petite pâquerette. Sans savoir pourquoi. Et puis il m’est venu cette question : est-ce que je suis comme elle, avec une grosse tête boursouflée étranglée par un grand col plissé de preuves d’amour ? Le tout sur une tige fragile qui paraît prête à ployer. Pourtant quand on marche sur elle, la pâquerette semble apprécier, et elle se redresse ensuite, toujours aussi robuste.”
Le carnet de sauvetage - Extrait
Eric Brosseron - Mai 2015